Laissez-moi vous raconter l’histoire des 13 desserts de Noël en Provence. Comme une ritournelle, ces treize desserts provençaux reviennent sur notre table année après année. Et c’est avec une joie immense que je les contemple et les déguste chaque Noël.

L’histoire des 13 desserts de Noël en Provence
Les premières mentions d’une foultitude de desserts servis lors de la veillée de Noël en Provence remontent au XVIIème siècle.
Il était déjà d’usage de servir beaucoup de douceurs ce soir-là.
Ces desserts dont le nombre est fluctuant sont servis après le gros souper et après la messe de minuit.
Ce n’est qu’au tout début du XXème siècle qu’il est fait mention du nombre de desserts qui sont supposés être servis ce soir-là :
” Voici une quantité de friandises, de gourmandises, les treize desserts : il en faut treize, oui treize, pas plus si vous voulez, mais pas un de moins “, dixit Joseph Fallen faisant partie de Félibrige qui est une association fondée au début du XIXème siècle dans le but de sauvegarder et de promouvoir la culture et l’identité des pays de langue d’oc.
13 desserts donc, servis le soir du 24 décembre en Provence. En écrivant ceci, je peux même entendre les tambourinaires jouer de leur flûte et de leur tambour (et par pitié, ne prononcez pas tambourinaires, mais “tambourinaïré” !).

Symbolique des treize desserts
Ces 13 desserts donc font l’objet d’une liste : il y a les incontournables, puis on peut broder autour. Gardez quand même en tête que les treize desserts sont des desserts simples et souvent rustiques.
Des desserts qu’on pouvait trouver facilement en Provence, des desserts de ménage que l’on faisait chez soi tout au long de l’année. Car, comme bien d’autres régions et pays, la Provence était un pays pauvre et les gens se contentaient de ce qu’ils avaient bien entendu.
Donc, pas de bûches, pas d’entremets ou autres pâtisseries au beurre et au sucre, certains d’entre-vous, qui espéraient un buffet de pâtisseries, ont d’ailleurs pu être déçus par le choix proposé…
Au-delà de ces considérations pratiques, il y a toute une symbolique religieuse bien sûr autour des 13 desserts de Noël en Provence.
Tout d’abord le nombre -13- qui symbolise le dernier repas du Christ, la Cène où Jésus est entouré de ses 12 apôtres.
Il est également d’usage de les dresser sur 3 nappes superposées, elles évoquent la Trinité.



Alors, de quoi sont composés les 13 desserts de Noël en Provence ?
Les incontournables sont :
- les Mendiants qui sont les amandes, les raisins secs, les noix ou noisettes et les figues sèches et qui représentent les ordres religieux mendiants. La figue sèche dont la couleur un peu grise rappelle la robe du franciscain, l’amande dont la couleur rappelle l’habit du dominicain, la noisette dont la couleur évoque celle de la robe du carme et, enfin, le raisin dont la couleur fait penser à la robe de l’augustin.
- le Nougat blanc et le Nougat noir. Le blanc pour les bons jours de l’année et le noir pour les jours plus sombres
- la Pompe ou le Gibassié qui remplace le pain et qui lui-même évoque “le corps du Christ”
- le Verdaou (melon vert) que l’on conservait autrefois au grenier depuis l’été
- des Dattes, fruit venu du Moyen Orient qui évoque à la fois l’endroit où est né Jésus et aussi les Rois Mages et le luxe de leurs cadeaux offerts après la naissance,
- puis chacun ajoute des fruits frais (pommes, poires, mandarines ou oranges) et des confiseries (calissons, fruits confits, pâte de coing), chocolats, pâtes de fruits maison…
On veille donc à en proposer minimum 13, on peut toutefois en proposer plus. C‘est ce à quoi Baga veille chaque année !
La pompe que vous voyez sur la photo n’est pas une véritable pompe, elle s’apparente plus à une fougasse. La pompe est moins gonflée et elle est ronde, mais à Fréjus, l’année dernière, je n’en avais pas trouvé.



Les 13 desserts de Noël dans ma famille
La plupart des desserts proposés le soir du 24 décembre, lors de la veillée de Noël, étaient à l’époque des produits qu’on avait cultivés, glanés ou conservés.
Par exemple, mon arrière-grand-père, Paul, ramassait chaque année à la fin de l’été les plus belles grappes de raisins mûrs et les mettait à sécher au grenier. Jusqu’à Noël, il allait régulièrement retirer les grains moisis afin que ceux-ci ne contaminent pas le reste de la grappe et que les raisins sèchent bien et soient bons pour Noël.
Il conservait également le Verdaou (melon vert) au grenier, sur de la paille.
Mon arrière grand-mère, Fifi, faisait elle-même le nougat noir avec des amandes qu’elle avait ramassées à la campagne. Pour elle et notre famille, la campagne, c’était en fait un cabanon et des terres aux abords de la ville où poussent la vigne, les oliviers,… où il y avait des poules et une belle vue sur la Sainte-Victoire chère à Cézanne.
Bien sûr, la pâte de coing et la gelée de coing étaient et sont toujours faites maison, par Baga désormais.
En plus des amandes et les figues séchées du cabanon donc, du Verdaou, de la pâte de coing, de la gelée de coing et de la pompe (ou parfois quelques galettes de chez Brémond ou de chez Bartélémy, deux boulangeries de la ville qui fabriquaient des galettes délicieuses), oranges et mandarines, ma grand-mère maternelle, Mimi, allait chez la soeur de mémé Fifi, Andrea, qui tenait une petite épicerie, et y achetait des boules au chocolat, le nougat blanc et noir et les petits chocolats de chez Maurel dont la fabrique était à Gardanne, les fondants au sucre de toutes les couleurs, …
Et puis, le soir venu, si jamais il n’y avait pas le compte, ma grand-mère fouillait dans les placards et ajoutait ce qu’elle trouvait…. parfois, un morceau de sucre ou une banane complétait vite fait l’ensemble.
Ma grand-mère faisait les choses en toute simplicité et avec beaucoup d’amour ! Deux grandes qualités.
Alors, quand vient le soir du 24 décembre, quand nous sommes tous réunis après avoir festoyé, c’est toujours avec une émotion particulière que je déguste ces 13 desserts de Noël !
Car cette tradition signifie pour moi bien plus que des confiseries servies à la fin d’un dîner, elle incarne l’histoire de nos familles provençales, l’histoire de ma famille et toutes les petites histoires que je prends plaisir à écouter encore et encore.
A ce moment-là, même si plus personne n’a faim, même si je croque des mini-bouts dans le chocolat, les calissons et les nougats que je donne à finir à Bagou ou à l’Homme, même si je compte et recompte dans mon assiette le nombre de desserts que j’ai mangés et qu’il me reste encore à manger pour arriver à 13 et que je casse les pieds à mes filles pour qu’elles en mangent 13 également…rien ne me rend plus heureuse que de partager ces treize desserts.
Cette tradition incarne l’appartenance à la Provence et l’appartenance à une lignée. Elle incarne l’appartenance forte à une famille ; et elle incarne l’amour que nous avons le bonheur de partager. Et, ainsi, à aucun moment, je ne veux avoir un autre dessert le soir du Réveillon de Noël.
Et le Félibrige ne s’y trompait pas quand il voulait sauvegarder les traditions provençales, car les treize desserts, au-delà des mets, racontent la Provence, racontent des vies. Ils racontent combien nos arrière-grands-parents, nos grands-parents, nos parents, nous, nos enfants et leurs enfants à venir faisons partie d’une même famille aimante et chaleureuse réunie pour Noël.
Alors, comme on dit en Provence (même si on le dit plus au jour de l’an) :
“A l’an que ven que se siam pas mai que siguem pas mens
Ce qui signifie : “À l’année prochaine, que si nous ne sommes pas plus, nous ne soyons pas moins”


13 desserts de Noël en Provence
Ustensiles
- QS plats de service
Ingrédients
- 100 g amandes
- 100 g noisettes
- 100 g figues sèches
- 100 g raisins secs
- 1 pompe ou un gibassier
- 1 nougat noir
- 1 nougat blanc
- 4 branches de dattes
- 1 Verdaou melon vert
- 12 mandarines
- 12 pâtes de coing
- 12 calissons
- 12 chocolats
Instructions
- Disposez sur un surtout la pompe ou le gibassier.
- Dans des ramequins, versez les fruits secs.
- Mettez les dattes sur un plat.
- Dans un compotier, mettez le verdaou découpé et disposez les mandarines dans un autre plat.
- Sur un serviteur muet, disposez les pâtes de coing, les calissons, les chocolats.
- Et enfin, mettez les nougats dans un plat un peu long.
- Et Joyeux Noël à tous !